Le château de Loevestein

Le château de Loevestein est un château rectangulaire entouré de douves. Il se trouve en face de la ville de Woudrichem, au confluent de la Meuse et de la Waal, dans le vieux polder qu'on appelle la «terre des moines» (Munnikenland), en Gueldre.

Le polder de la «terre des moines» doit son nom aux moines qui le défrichèrent à la fin de 13ème siècle. Ce n'est qu'après leur départ au début du 14ème siècle que le château fut fondé.

La fondation du château

Le château fut fondé peu après 1360 par Thierry Loef de Horne. Comme ses ancêtres, il tenait la région « le pays d'Altena » en fief des comtes de Hollande.

La tour de la Waal, la plus ancienne tour du château (environ 1360)

Au début, le château consistait seulement en la tour de la Waal (sur la photo du haut, la tour de la Waal est la tour de droite).
Vers 1368, Thierry Loef fit surélever la tour de la Waal et fit construire le reste du château. Celui-ci prit alors à peu près la forme que nous connaissons aujourd'hui: un bâtiment rectangulaire avec deux tours carrées (mais l'actuelle tour d'entrée ne fut construite qu'au 15ème siècle).

C'est à Thierry Loef que le château doit son nom: « Loeve-stein » signifie en effet « maison de pierre de Loef ».

Le seigneur du château de Loevestein

Thierry Loef de Horne n'attachait que peu d'importance à la loi. Ainsi, il créa un péage fluvial illégitime près de la ville de Woudrichem. Comme seuls les comtes de Hollande de la maison de Bavière avaient le droit de mettre en place un tel péage, en 1368, on lui retira presque tous ses droits et possessions, mais on lui permit de rester vivre au château.
Finalement, Thierry Loef quitta son château en 1378; il décéda à Liège en 1391. Après lui, il n'y eut jamais plus de seigneur du château de Loevestein.

Gravure: J.Hilverdink

Le château de Loevestein, avec à droite le châtelet aujourd'hui disparu.

Le château aurait dû par la suite revenir au neveu de Thierry Loef, Guillaume VII de Horne. Mais les choses se passèrent autrement: le comte de Hollande Albert de Bavière s'appropria le château. Il le fit fortifier afin d'en faire un poste frontière protégeant le comté de Hollande contre le duché de Gueldre. Enfin, Albert de Bavière nomma son gendre le chevalier Brustin van Herwijnen intendant du château.

Mais le chevalier Brustin van Herwijnen n'était - lui non plus - pas un honnête homme. Comme celui-ci s'enrichissait aux dépens d'Albert de Bavière, et comme il refusait de s'expliquer, en 1397, les troupes d'Albert vinrent assiéger le château. Le château, qui était défendu par une garnison de 90 hommes, dut subir des tirs de bombardes incessants, après quoi il fut pris. Cependant, Brustin van Herwijnen ne put être fait prisonnier: il s'était déjà enfui avant le siège.

Finalement, Brustin van Herwijnen fut réhabilité. Il lui fut même permis de rentrer dans ses fonctions de conseiller auprès d'Albert de Bavière.
Enfin, le château fut remis en état; c'est à cette époque que la tour aux poudres fut construite (
voir photo ci-dessous).

Photo: Hervé Giard

Photo ci-contre:

L'arrière du château.
A droite, on distingue la tour aux poudres (actuellement le seul vestige du châtelet).


Le château resta aux mains des comtes de Hollande. Il passa d'abord au fils d'Albert, le futur comte Guillaume VI de Hollande (1417). Puis il revint à la fille de Guillaume, Jacqueline de Bavière (1436). Dans les rivalités entre les Hameçons et les Cabillauds, la comtesse se servit du château comme prison pour ses ennemis.

La guerre de 80 ans

Au début de la guerre de 80 ans (1568-1648), le château était aux mains des Espagnols. Mais en décembre 1570, sur les ordres du prince d'Orange, un petit groupe de soldats vint s'emparer du château par la ruse.
Les soldats, déguisés en marchands de bestiaux allemands, se rendirent au château, frappèrent à la porte et racontèrent au garde qu'ils étaient des voyageurs égarés. Sur ce, on les laissa entrer. Une fois à l'intérieur des murs, les soldats sortirent leurs armes et s'emparèrent du château. Ensuite, les soldats attendirent l'arrivée de renforts.

Mais les renforts ne vinrent jamais: partout dans le pays, les Gueux s'apprêtaient à attaquer les Espagnols, mais à cause de toutes sortes de contre-temps, ils renoncèrent finalement à passer à l'action. De ce fait, les soldats du prince d'Orange au château de Loevestein se retrouvèrent seuls. Et ils étaient pris au piège: une petite armée espagnole vint en effet assiéger le château.
Après de durs combats, le château fut pris par les Espagnols. Tous les soldats du prince d'Orange qui avaient survécu aux combats furent plus tard exécutés.

Quelques années plus tard, en 1572, les Gueux parvinrent finalement à reprendre le château aux Espagnols.

Le château devient une prison

En 1614, Loevestein devint officiellement une prison d'État. Un des premiers prisonniers était le célèbre jurisconsulte néerlandais Hugo de Groot, dit Grotius (1583-1645) (voir portrait ci-contre), qui fut emprisonné en 1619 pour des raisons politico-religieuses.
Pendant son séjour, il lui était permis de recevoir des livres de l'extérieur. Il renvoyait ces livres à leurs propriétaires au moyen d'un coffre. En 1621, Hugo de Groot réussit à s'échapper en se cachant dans ce même coffre. Cette entreprise ne se passa pas sans effrois: les porteurs du coffre le trouvèrent si lourd qu'ils remarquèrent avec sarcasme qu'il semblait que Hugo de Groot s'était lui-même installé dans le coffre, mais personne ne contrôla le contenu. Après son évasion, Hugo de Groot s'installa à Paris.

En 1672, quand l'armée de Louis XIV attaqua la République des Provinces-Unies, le château fut assiégé par les troupes françaises. Le château tint bon. Mais lors des attaques françaises qui suivirent, les choses se passèrent différemment: en 1793-94, le château tomba presque sans résistance.
Plus tard, Napoléon se servit du château pour enfermer ses prisonniers de guerre russes et anglais.

Les derniers prisonniers au château de Loevestein furent des officiers Belges; ils furent faits prisonniers pendant la Campagne des Dix Jours de 1831; la même année, ces officiers réussirent à s'échapper par la fenêtre de leur cellule. Après cette date, le château ne servit plus jamais de prison.

Finalement, dans le courant du 19ème siècle, le château devint un fort militaire. Après 1952, le château retomba aux autorités civiles.
Le château de Loevestein a été restauré entre 1965 et 1986.

Aujourd'hui

Le château est ouvert au public (entrée payante).



Photo ci-dessus
: le château vu de la rivière « la Waal ».



Kasteel Loevestein

Loevestein 1

Poederoijen


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Texte: Mathieu Fannee

Bibliographie:

Andel, P. van (1969). Zes eeuwen Loevestein, J.Noorduijn en Zoon N.V. - Gorinchem;

Brekelmans, M. (1987). Slot Loevestein. Rijksdienst Kastelenbeheer – Den Haag, De Walburg Pers - Zutphen;

Eliëns, F.M., Harenberg, J. (1984). Middeleeuwse kastelen van Gelderland. Uitgeverij Elmar b.v., Rijswijk, p.218-223;

Janssen, H.L., Kylstra-Wielinga, J.M.M., & Olde Meiering, B. (red.) (1996). 1000 jaar kastelen in Nederland, Functie en vorm door de eeuwen heen, Uitgeverij Matrijs, Utrecht, p.92-93;

Kalkwiek, K.A. & Schellart, A.I.J.M. (red.) (1980). Atlas van de Nederlandse kastelen, A.W.Sijthoff's Uitgeversmaatschappij b.v., Alphen a/d Rijn, p.104-105;

Kransberg, D. & Mils, H. (1979). Kastelengids van Nederland; Middeleeuwen. Fibula-Van Dishoeck, Haarlem, p.45-47;

Reijen, Paul E. van (1976). Middeleeuwse kastelen in Nederland, Unieboek b.v., Bussum. (3de herziene druk), p.98-101;

http://www.kasteleninnederland.nl/kasteel134.php;
http://nl.wikipedia.org/wiki/Van_Horne;

Bibliographie sur l'évasion d'Hugo de Groot, dit Grotius:

Velema, W. (1999). Het aanzien van een millennium. Kroniek van historische gebeurtenissen van de Lage Landen 1000-2000. Uitgeverij Het Spectrum b.v., Utrecht, p.97-99;

Illustrations:
(photo de l'arrière du château, avec la tour aux poudres) Hervé Giard;
(autres photos du château) Mathieu Fannee;
(gravure) J.Hilverdink, trouvée sur http://www.kasteleninnederland.nl/kasteel134.php;
(peinture de Hugo de Groot par Michiel van Mierevelt) wikipedia, domaine public;